Que vous évoque l’idée de la forêt la nuit ? Depuis des siècles, l’imaginaire collectif est tapissé de mythes et de concepts qui nourrissent des peurs profondes en associant la vie nocturne à un milieu hostile et effrayant : les loups garous surgissent à la pleine lune, les sorcières se retrouvent pour des sabbats démoniaques, les vampires partent en chasse…

Certes, l’Homme étant un animal diurne, l’obscurité nous entraîne dans la perte de nos repères et déstabilise nos sens. Pour autant, lorsque l’on s’immerge dans l’atmosphère d’une forêt la nuit, dépassant nos projections mentales et guidés à travers un cadre sécurisant (la priorité étant la connaissance du terrain par le guide), l’expérience s’avère mémorable, de l’ordre de celles qui nous marquent pour toujours.

Un coucher de soleil, un lever de pleine lune, et la magie opère

Je m’en rappelle comme si c’était hier. Pendant ma formation de guide Shinrin Yoku, en septembre dernier, j’ai vécu un bain de forêt nocturne qui m’a profondément touchée. Au crépuscule, nous avons marché, observant peu à peu les couleurs forestières s’estomper et l’obscurité gagner la forêt. Les oiseaux se sont progressivement tuent, laissant place à de nouvelles mélodies. La relève des animaux de la nuit commençait, en douceur.

Arrivés au niveau d’un belvédère, nous avions la vue sur toute la vallée. Nous avons contemplé les derniers rayons du soleil, qui tira sa révérence derrière les montagnes. S’en sont suivis des dégradés de couleurs allant du bleu au rose. Tel un voile, le ciel s’est transformé. Encore clair à droite de la vallée, la pénombre se présentait à sa gauche, sublimée par des étoiles de plus en plus nombreuses. Puis, au bout d’un instant, elle a surgit de derrière les sapins. Dame pleine lune est apparut, bien ronde et scintillante, nous couvrons de sa plus belle lumière. A cet instant, plus rien d’autre n’existe que la beauté de ce spectacle. Un moment hors du temps, unique, puissant.

Après cet instant émouvant et de riches partages dans l’intimité du groupe, nous avons regagné le sentier, guidés par un chemin de lanternes d’une poésie sans pareil. Rencontrer la forêt de nuit m’a envoutée, une magie blanche, pure, douce. Gratitude infinie.

La fabuleuse vie nocturne

C’est un monde fabuleux que l’on rencontre lorsque l’on pratique le Shinrin Yoku dans l’atmosphère d’une forêt la nuit, à condition bien sûr de respecter le silence pour laisser place aux sons environnants et ne pas perturber les lieux. Saviez-vous que près d’un tiers des vertébrés et deux tiers des invertébrés vivent essentiellement la nuit ? Peut-être allez vous observer le déplacement discret d’un hérisson, le scintillement d’une luciole, le vol d’une chauve-souris sous le ciel étoilé. Ou encore entendre le hululement d’une chouette, le glapissement d’un renard, le doux son du vent dans les feuillages des arbres endormis (oui, les arbres dorment* !).

La nuit nous ouvre donc un espace enchanté, poétique, vivant, accueillant dans la mesure où l’on se libère de notre mental. Elle nous offre un sentiment de liberté immense en symbiose avec les éléments, un peu comme un retour aux sources, à l’essentiel, à notre esprit sauvage.

« La nuit n’est pas ce que l’on croit, revers du feu, chute du jour et négation de la lumière, mais subterfuge fait pour nous ouvrir les yeux sur ce qui reste irrévélé tant qu’on l’éclaire. » Philippe Jaccottet 

article écrit avec inspiration tirée du fabuleux livre de Carol Reboul « Il était une fois la nuit »